Édito

Édition 2024
Du 20 au 28 juillet 2024

Ensemble invité : Quatuor Diotima
Compositeurs invités : Yvonne Loriod ; Helmut Lachenmann ; André Jolivet ; Bruno Ducol

Cette année, au Festival Messiaen au pays de La Meije, nous avons construit un programme arc-en-ciel, un manteau d’Arlequin sans véritable thème, dont chaque pièce est cousue d’un fil rattaché à la pelote musicale et versicolore de Messiaen, toujours présent, ainsi que ses élèves, de près ou de loin, pour donner à l’ensemble une certaine unité dans la diversité…

Il y a d’abord Yvonne Loriod, « une personne absolument géniale », selon les mots amoureux de Messiaen. Seconde épouse du compositeur, mais aussi muse et interprète de ses œuvres, elle fut aussi, comme il le raconte dans ses Entretiens avec Claude Samuel : « mon élève, ma première élève. Elle était douée pour tout ; c’était, déjà à cette époque, une pianiste extraordinaire, mais elle était aussi merveilleusement douée pour l’harmonie, pour la composition, pour le rythme et pour la poésie » Pour célébrer le centenaire de sa naissance, nous découvrirons quelques œuvres, totalement inédites pour certaines, en compagnie notamment de deux de ses derniers élèves, les pianistes Florent Boffard et Roger Muraro.

De l’élève aux élèves, chacun devenu grand, tout en musique est toujours une histoire de transmission. Ainsi avec Bruno Ducol, disparu en janvier dernier, élève de Messiaen, compositeur talentueux qui faisait chaque été son pèlerinage à La Grave à l’occasion du festival. Nous voulons par la musique, avec sa dernière composition qu’il espérait créer ici, dans la belle église romane du village, face à La Meije, « moins célèbre que le Mont Blanc mais certainement plus terrible, plus pur, plus séparé » selon les mots de Messiaen, lui témoigner notre amitié et continuer le voyage.

Hommage aussi pour André Jolivet, disparu il y a 50 ans, qui n’était pas élève mais, à l’invitation de Messiaen, compagnon dans le groupe de compositeurs Jeune France, occupé à « rendre à l’art ses valeurs humanistes ». La pièce Mana, qui sera présentée en fin de festival, en est un bel exemple qu’il appréciait beaucoup. Nous verrons à cette occasion, lors des conférences qui avec les aubades et les randonnées participent de la magie du festival, qu’il connaissait bien l’autre versant du Col du Lautaret…

Enfin, élève de l’élève Karlheinz Stockhausen (et de Luigi Nono), Helmut Lachenmann sera présent pour témoigner de son rapport à l’œuvre de Messiaen, pendant que nous découvrirons, grâce au Quatuor Diotima et Jean-François Heisser, quelques facettes de son œuvre aussi radicale que fascinante. Car les monstres sacrés ne craignent pas de gravir la montagne.

Voilà pour les noms sur l’affiche du festival ! Mais vous découvrirez aussi dans le programme les noms de compositeurs célèbres – de Fauré (autre anniversaire), qui était directeur au moment où l’enfant Messiaen intégrait le Conservatoire de Paris, de Boulez, de Maresz, d’Aperghis, de Murail (toujours fidèle au festival avec une nouvelle création)… – de compositrices géniales – comme Nadia Boulanger, Elsa Barraine, Henriette Puig-Roget… – et de jeunes compositeurs, dont Orlando Bass, lauréat du Concours International Olivier Messiaen 2023, car sans la création nous perdrions l’âme du festival qui ne serait plus fidèle à sa vocation.

Ainsi, à la fin de l’aventure musicale, lorsque nous laisserons aux cloches des églises et des vaches l’exclusivité des concerts dans l’alpage, nous souhaiterions que vous disiez de chacun de ces artistes, compositeurs et/ou interprètes, « qu’ils soient doux, tendres, furieux, révoltés ou pacifiques », comme Messiaen le disait de ses élèves : « je les aime tous » !

Bruno Messina
Directeur du Festival Messiaen au Pays de la Meije